SEPT JOURS QUI EBRANLERENT LA FINANCE
Par Jacques Sapir
Directeur d’études à l’EHESS et directeur du CEMI-EHESS
Le 23 septembre 2008
Résumé
La note montre que la crise actuelle n’est pas un simple cycle, un moment banal de difficultés passagères comme l’ont prétendu nombre d’économistes, tel Alan Greenspan, avant de se contredire devant la bourrasque de cette folle semaine et de qualifier la crise de « plus importante depuis un siècle ». Cette crise est bien structurelle. L’un des enjeux principaux de cette crise sera donc, bien au-delà de réglementations techniques, de s’attaquer aux fondements du néolibéralisme.
Ca cette crise financière est avant tout le résultat immédiat d’une circulation intense de mauvaises créances (les subprimes). La complexification des procédures de la « finance structurée » a ajouté un voile d’opacité sur cette circulation des créances . Mais il faut avoir l’honnêteté de dire qu’une meilleure réglementation n’aurait certainement pas résisté à la pression concurrentielle du système, une fois l’endettement des ménages devenu le seul pilier de la croissance. Par ailleurs, la finance structurée n’a fait qu’aider à la circulation de créances qu’elle n’a pas créées.
Cette « folie hypothécaire » n’est pas une « folie ». Il y a de la méthode et surtout du système dans cette folie. Quand on comprime les revenus salariaux pour augmenter toujours plus de profits, et que l’on cherche dans la financiarisation de l’économie une porte de sortie à la contradiction qui veut que toute compression des revenus induira celle de la demande solvable, donc celle du niveau d’activité et donc celle du volume des profits, alors la dérégulation financière et l’emballement de la machine à crédit deviennent logiques.
Il y a aussi du système dans cette folie quand on prétend, comme le fait le gouvernement français, développer une mentalité de propriétaire à travers l’immobilier tout en menant une politique de déflation salariale, que l’on justifie au nom de l’ouverture économique alors que cette dernière a été justement initiée pour accroître les pressions sur les salariés. Ainsi, François Fillon et Nicolas Sarkozy sont par leurs politiques, et l’approbation donnée au système des hypothèques rechargeables en France, les vecteurs mêmes des dévoiements de la finance qu’ils peuvent par ailleurs condamner. Les institutions du néolibéralisme finissent par induire chez les acteurs au centre du système les représentations qui conduisent à leur renforcement permanent et ce jusqu’au jour où le même système va heurter de plein fouet le mur des limites de sa propre reproduction. Ce dévoiement se trouve dans les pratiques financières ou dans la pensée de ceux qui mettent en place les « réformes » qui rendront non seulement possible mais encore inévitable car nécessaires les emballements dont les Etats-Unis, mais aussi la Grande-Bretagne et l’Espagne nous donnent l’exemple.